Maître Gallet répond sur France Info à une auditrice qui estime être affublée d’un prénom et d’un nom qu’elle ne supporte pas.
Noëllette Jambon, 16 ans, n’aime ni son prénom, qu’elle trouve trop puérile, ni son nom de famille, qu’elle a beaucoup de mal à assumer.
Elle se dit que quelques lettres en moins, ou une modification de certaines d’entre elles, pourraient bien changer sa vie, et avoir un effet bénéfique sur l’estime d’elle-même et permettraient surtout d’éviter certaines moqueries de la part de ses camarades.
Bien décidée aujourd’hui à prendre les choses en mains, elle souhaite entamer des démarches pour enfin avoir un patronyme et un prénom qui lui ressemble et qu’elle assumera pleinement.
Elle se demande toutefois si cela est possible, et comment elle peut procéder.
Maître Matthieu GALLET, Avocat au Barreau de Paris, est avec nous.
Alors Maître, première question, Noëllette Jambon peut –elle envisager de changer de nom et de prénom comme elle le souhaite ?
Oui, les dispositions du Code civil prévoit la possibilité pour toute personne qui justifie d’un intérêt légitime de demander à changer de prénom ou de nom.
Très bien, mais qu’entendez-vous exactement par intérêt légitime ?
La notion d’intérêt légitime n’est pas expressément définie par la loi. C’est en effet le Juge, qui apprécie au cas par cas, si la personne présente un intérêt légitime ou pas, au changement de son nom ou de son prénom.
A titre d’exemples, la jurisprudence considère que la personne a un intérêt légitime à changer de prénom ou de nom dans les cas suivants :
- En cas d’usage prolongé d’un prénom, c’est-à-dire en cas d’utilisation d’un autre prénom dans la vie courante depuis plusieurs années ;
- Lorsque le prénom ou le nom est à consonance étrangère et qu’il constitue un frein à l’intégration sociale ;
- Pour des motifs religieux ou culturels ;
- En cas de transsexualisme pour le prénom ;
- Pour le nom de famille, le changement peut avoir pour objet d’éviter l’extinction du nom porté par un ascendant ;
- Lorsque le prénom ou le nom est ridicule, ou lorsque l’ensemble formé par le prénom et le nom de famille est ridicule, comme le cas de Noëllette par exemple ;
D’accord, alors quelles démarches doit entreprendre Noëllette, si celle-ci décide de réellement de changer de nom et de prénom ?
Alors, il convient de faire une distinction entre les démarches à suivre pour la modification du prénom et celles à entreprendre pour la modification du patronyme.
La procédure de changement de prénom est une procédure judiciaire dans laquelle l’intervention d’un Avocat est obligatoire; la procédure de changement de nom étant quant à elle une procédure administrative dans laquelle l’Avocat n’est pas obligatoire.
Pour le changement de prénom, la procédure est assez simple. La demande est formulée par requête devant le juge aux affaires familiales du Tribunal de Grande Instance du lieu de naissance ou du domicile du requérant.
Et pour le changement de patronyme ?
Alors dans cas de figure, l’intéressé doit envoyer une demande de changement de nom au Garde des Sceaux, c’est-à-dire au Ministre de la Justice, qui peut demander au Procureur de la République, du Tribunal de Grande Instance dont dépend le domicile du demandeur, de procéder à une enquête.
Si la demande est acceptée, un décret est signé par le Premier Ministre et le Garde des Sceaux et est publié au Journal officiel et dans un journal d’annonces légales.
Mais alors, au regard de son jeune âge, Noëllette peut-elle entreprendre ses démarches seule ?
En principe, c’est la personne qui souhaite changer de prénom qui doit en faire la demande, sauf s’il s’agit d’un mineur ou d’un majeur sous tutelle.
Dans ce cas, c’est son représentant légal qui doit en faire la demande.
Attention sur ce point, il est important de préciser que lorsque la demande est faite pour un enfant mineur de plus de 13 ans, le consentement de ce dernier est nécessaire.
Et que peut faire Noëllette, si le juge aux affaires familiales refuse son changement de prénom ou si le Garde des sceaux refuse son changement de patronyme ?
Dans le cas du changement de prénom, le Juge aux Affaires Familiales rend un jugement autorisant ou non le changement de prénom.
En cas de refus de changement de prénom par le Juge aux Affaires Familiales, l’intéressé aura alors la possibilité d’interjeter appel de ce jugement.
En cas de refus de changement de nom cette fois-ci, le Garde des sceaux devra motiver son refus. Ce refus est notifié par lettre recommandée avec accusé de réception à l’intéressé ou par voie diplomatique ou consulaire si le demandeur réside à l’étranger.
Un recours gracieux, c’est-à-dire en réalité une demande de réexamen de dossier, peut être adressé au Garde des Sceaux qui ne réalisera un nouvel examen qu’en raison d’éléments nouveaux.
La décision de rejet peut également être contestée devant le Tribunal Administratif de Paris par la voie d’un recours pour excès de pouvoir, c’est-à-dire un recours en annulation contre la décision, dans le délai de 2 mois à compter de sa notification.